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Le blog Gaming de Starsystemf

[LA PAROLE AUX GAMEURS ACTE CXXXII] Interview de Sébastien GENVO

[LA PAROLE AUX GAMEURS ACTE CXXXII] Interview de Sébastien GENVO

 

Hello les gameuses et les gameurs, voici une interview pour la rubrique LA PAROLE AUX GAMEURS.

L’intérêt de cette rubrique est de donner la parole aux joueurs/joueuses (que ce soit des professionnels du métier, des esportifs, des gameurs passionnés ou des journalistes) pour parler de notre passion le jeu vidéo! Mais aussi l'impact sur leur vie, des souvenirs, et tout ce qui va avec.

Cette semaine, j'ai le plaisir de vous proposer l'interview de Sébastien GENVO que j'ai connu grâce à sa chaine YouTube et son compte Twitter et plus récemment sur son nouveau jeu  Lie in my heart que je testerai prochainement sur le blog...

Sans plus attendre, je lui laisse donc la parole!

 

 

(Interview rédigée le 29/09/2019)

  •   Comment ça va ?

 Actualité chargée de mon côté, entre la sortie du jeu et le début du Master Conception de dispositifs ludiques à Metz dont je suis responsable, les projets ne manquent pas pour cette rentrée !

 

  •   Peux-tu te présenter à mes lecteurs pour savoir qui tu es “In Real Life” ? 

Je suis Professeur à l’université de Lorraine, je fais à la fois de la recherche sur les enjeux artistiques et culturels des jeux vidéo et j’enseigne essentiellement l’histoire des jeux vidéo, le game design, la narration interactive et je forme aussi à la recherche. J’encadre plusieurs doctorants sur des sujets aussi variés que l’exploration spatiale dans les jeux vidéo, la représentation de l’histoire dans la franchise Assassin’s Creed Black Flag, le rôle du contexte socio-économique dans les contenus des jeux indépendants, etc. Je suis aussi game designer, j’ai notamment travaillé sur XIII chez Ubi Soft en 2001/2002 et j’ai réalisé un jeu indépendant nommé Keys of a gamespace en 2011. Ce dernier jeu est lié à mes réflexions sur la notion de jeux expressifs, qui sont des jeux qui permettent aux joueurs de se mettre à la place d’autrui pour explorer ses problèmes sociaux, psychologiques, etc. Je fais cela dans une perspective de recherche-création, l’approche scientifique enrichit la dimension artistique et réciproquement. Enfin, j’assume différentes responsabilités, celle d’une formation sur la conception de jeu au sens large de niveau Master et aussi de multiples projets de recherche que je développe. Par exemple, en ce moment nous travaillons avec l’entreprise Gonblinz Studio, qui fait des Tactical RPG, pour faire de la recherche et du développement sur la narration procédurale. Enfin, je suis responsable de l’Expressive Gamelab, qui est une plateforme d’analyse d’usages et de contenus de jeux vidéo, au service des étudiants et des chercheurs. Pour avoir une meilleure idée de tout ça, j’ai aussi une chaine youtube consacrée aux théories des jeux vidéo (on y parle narration, idéologie, émotions dans les jeux vidéo, game design et il y aussi des entretiens avec des chercheurs ou des concepteurs), cette chaine me sert aussi de devlog pour mon prochain jeu, Lie in my heart. (dont je vous parle et montre des images très bientôt sur le blog et la chaine YouTube du blog)

  

  •  Je t’ai connu par l’intermédiaire des livres que tu as écrit et des vidéos sur Youtube que tu as réalisé mais tu lances ton premier jeu vidéo si je ne me trompe pas ? Peux-tu nous en parler ? Comment t’es venu l’idée de ce jeu ? Maintenant que tu l’as terminé, quel regard as-tu sur ce projet ?

 C’est en fait mon second jeu indépendant mais mon premier jeu commercial ! Lie in my heart part de travaux de recherche que je mène sur les jeux vidéo comme forme d’expression. Je développe plus particulièrement le concept de « jeux expressifs » qui renvoie à un jeu proposant au joueur de se mettre à la place d’autrui pour explorer ses problèmes psychologiques, sociaux, et faire l’expérience de dilemmes moraux et/ou éthiques qui en résultent, avec leurs conséquences. L’intention est aussi de transmettre par ce genre de jeu des émotions sous-représentées dans les jeux vidéo (entre autres la tristesse).

 

Dans Lie in my heart, il s’agit d’aller plus loin que mon premier jeu en abordant frontalement la question de l’auto-biographie dans les jeux vidéo. J’ai toujours été interrogé par le fait que la forme biographique est très peu présente dans ce médium alors qu’elle est très répandue par ailleurs. Parfois, elle a même permis la reconnaissance artistique de certains domaines comme la bande dessinée, Maus de Art Spiegelmann ayant par exemple remporté le prix Pullitzer et a en grande partie participé à la naissance de ce que l’on appelle à présent le roman graphique. Cette absence dans le jeu vidéo peut en partie s’expliquer par une tension : comment témoigner de faits établis, fixes, alors que le joueur souhaite faire « l’exercice des possibles » pour reprendre une expression du philosophe du jeu Jacques Henriot ? Une première piste choisie pour concilier la jouabilité à la dimension biographique a été de s’inspirer de l’histoire contrefactuelle, qui est une forme d’approche historique qui autorise l’exploration de scénarios alternatifs et probables pour mieux comprendre les facteurs jouant sur le déroulement d’une situation.

 

L’histoire du jeu propose au joueur de vivre une série d’évènements m’ayant touché il y a quelques années. La mère de mon fils, appelée « Marie » dans le jeu, a décidé de mettre fin à ses jours. Elle souffrait notamment de troubles bipolaires, même si son acte ne peut se résumer à ces troubles. Au-delà du vécu de ce drame individuel et de l’interrogation sur les causes du drame, se posent aussi dans le jeu les questions d’accompagnement de mon fils dans cette épreuve tout comme celle de la résilience. Le jeu est assez court (le temps d’un film, 1h20 pour une première partie) mais de nombreux mécanismes de rejouabilité permettent justement au joueur de prendre différentes décisions par rapport à la façon dont il peut réagir dans cette histoire, l’idée étant de lui permettre, au-delà de l’histoire particulière, de s’y retrouver ou de s’y identifier d’une certaine façon.

 

Et même si le jeu n’est pas encore sorti au moment où j’écris ces lignes, les premières réactions des joueurs ayant fait la béta-tests (une quinzaine) m’ont vraiment surpris dans le sens où je ne pensais pas qu’autant de gens allaient être affectés ou touchés émotionnellement tout en disant se reconnaitre d’une façon ou d’une autre. Beaucoup m’ont dit en effet ressentir de la tristesse ou de l’empathie, qui est une émotion vraiment peu présente dans le jeu vidéo. D’une certaine façon, le jeu aborde je pense des sujets plus larges à partir de cette histoire de vie dans lesquels chacun peut trouver matière à réflexion, comme le rapport à la perte d’un proche, le rapport au regret, etc. Mais je pense aussi que les jeux permettent grâce à la jouabilité de donner un espace d’appropriation aux individus par rapport à cette démarche de témoignage. C’est ce qui fait la force du jeu comme forme d’expression, elle vient autant du jeu que du joueur.

Les premières minutes du jeu Lie In My Heart (avant le test prochainement sur le blog)

 

  •   Maintenant, parlons plus de ta vie de gameur, quel est le pseudo que tu utilises le plus dans les jeux vidéo? D’où vient-il?

J’en avais un que j’utilisais souvent, Moonstar, il m’était venu quand j’étais ado en jouant au simulateur X-Wing, ça me semblait bien coller avec l’univers de Star Wars et je l’ai gardé ensuite !

 

  •   Dans une semaine type, quel est ton temps de jeu en moyenne?

Ca dépend vraiment mais généralement très (trop) peu, j’ai surtout des périodes où je tombe sur un jeu qui me captive et j’essaie d’aménager du temps pour le faire, et souvent je cherche des jeux courts ! Mais en général, je préfère un jeu qui fait passer plein de choses en termes de messages et d’émotion de façon intense, voire brève,  plutôt qu’un jeu qu’il faut arpenter pendant 50h pour se faire une idée du propos ou de l’intérêt.

 

  •   Comment et quand as-tu commencé ta vie de Gameur?

Je pense vers l’âge de 5 ou 6 ans, un voisin avait un amstrad à l’époque puis j’en ai reçu un pour Noël. C’était une machine fascinante car il y avait une ludothèque impressionnante de variétés avec beaucoup de jeux qui étaient parfois très expérimentaux dans leurs propositions. Même si les graphismes étaient minimalistes, on avait l’impression d’avoir un véritable portail pour l’imagination face à soi. J’ai ensuite surtout eu des ordinateurs, l’amiga, le PC. Je ne me suis mis aux consoles qu’une fois adulte quasiment (même si j’ai brièvement possédé une megadrive). Mais cela ne m’a pas empêché d’essayer de rattraper mon retard sur les classiques !

 

  •   Quel est ton jeu du moment ? Y a-t ’il un jeu auquel tu joues régulièrement ? Celui que tu attends le plus ?

Dernièrement j’ai terminé Lorelai, un point’n’click qui fait suite à l’un des meilleurs jeux d’aventure de ces dernières années, The Cat Lady, une histoire très touchante et sombre. Et je dois avouer que comme beaucoup je pense, j’attends avec curiosité Cyberpunk 2077.

 

  •   Quels sont tes jeux cultes ?

Difficile de faire des classements et à chaque période j’ai eu des jeux qui m’ont marqué mais pour en donner quelques-uns en faisant un rapide inventaire temporel sans réfléchir, je dirai L’aigle d’or, Les voyageurs du temps, Shadow of the beast, The secret of monkey island, Doom, The pandora directive, Heroes of might and magic 3, Diablo 2, System Shock 2, la trilogie des Mass Effect, Passage, The walking dead saison 1, Resident Evil 4, X-com, To the moon, Starcraft 2, The cat lady justement, allez cela en fait déjà quelques-uns !

 

  •   Sur quelle plateforme joues-tu ?

Surtout PC, mais cela varie selon l’actualité, en ce moment un peu sur Switch, j’ai eu une grosse période Xbox 360 aussi.

 

  •   Quel type de joueur es-tu? Plutôt un joueur solitaire ? Un joueur qui joue beaucoup en réseau ? Un joueur qui préfère les soirées entre amis à jouer à plusieurs ?

Avec mon emploi du temps, difficile de vraiment jouer en réseau, même si j’ai eu de grosses périodes en ligne avec Starcraft 2 (j’ai certainement joué plus de 1000 heures en tout…) ou sur certains MMO (j’avais beaucoup aimé Star Wars : The old republic) et bien sûr jouer en multi-local c’est aussi quelque chose que j’aime beaucoup, mais là-dessus je suis pas mal jeux de plateau en fait (Mansion of madness, une valeur sûre !).

 

  •   Quel style de jeu apprécies-tu le plus ? Pourquoi ?

Cela dépend vraiment de ce que le jeu propose, je n’ai pas de genres de prédilection à priori, j’étais pas mal jeux de stratégie, jeux de rôle, jeux d’aventure, mais j’apprécie aussi les plateformers modernes qui essaient de développer un propos comme Limbo, Braid, etc. Vraiment j’essaie de toucher à tout !

 

  •   Qu’est-ce qui, d’après toi, fait un bon jeu ?

On ne peut pas donner de réponse générale là-dessus mais en ce moment je suis particulièrement attentif à la cohérence fond/forme, la façon dont les mécaniques de jeu et son univers viennent soutenir un message, une histoire, des émotions. Ensuite, sur cette question je fais un cours d’expertise de dispositifs ludiques qui durent plusieurs dizaines d’heures :p Donc pour avoir davantage d’éléments de réponse à cette question, rejoignez le parcours Conception de dispositifs ludiques à Metz 😊 !

 

  •   Quel est ton meilleur souvenir de Gameur ? Ton pire ?

Un souvenir fort est la fin de Mass Effect 3, après avoir accompagné les personnages pendant des années, le final était magistral je trouve, malgré les critiques qu’il y a eu à l’époque. Ensuite de façon plus personnelle, l’amstrad et l’amiga offerts par mon père quand j’étais enfant à Noël… Le pire, ce doit certainement être ces lans que l’on organisait fin des années 90 et où forcément le réseau ne marchait pas et il fallait s’y prendre pendant des heures afin de lancer la première partie. Mais une fois que c’était lancé, c’était que du bonheur ! (j'ai connu ça aussi lol)

 

  •   J’adore les bandes originales de jeux vidéo, est-ce qu’il te prend d’en écouter régulièrement? Une ou des OST de référence?

 Les musiques sur Amiga ! Xenon 2, Les voyageurs du temps, Iron Lord, Shadow of the beast… La musique de chaque jeu nous faisait vraiment entrer dans un univers à part, à l’identité forte. Ou une autre référence plus ancienne, la musique d’intro de Cybernoid sur amstrad !

 

  •   Quelle personne importante du Jeu Vidéo voudrais-tu rencontrer? Pourquoi ?

Paul Cuisset justement, car ses jeux ont bercé mon enfance !

 

  •   Quel regard as-tu sur ta vie de Gameur jusqu’à présent? Comment vois-tu le futur du Jeu Vidéo ?

Disons que les jeux m’ont accompagné tout au long de ma vie et m’ont aussi permis de penser la vie. Et finalement à présent, en retour, j’essaie aussi de penser la vie par le jeu. C’est un futur que j’attends de voir se développer encore davantage dans les jeux vidéo, la façon dont ils pourront nous permettre, à leurs façons et avec leurs spécificités, de réfléchir sur nous-même, sur autrui, sur notre environnement (social, culturel, etc.) tout en nous émouvant et en nous engageant ludiquement."

 

 

Merci beaucoup à toi d'avoir pris le temps de répondre à ces questions avec tant de passion!

Retrouvez-le surtout avec son nouveau jeu Lie In my heart disponible dès aujourd'hui (lors de la publication de l'article).

Merci beaucoup à vous lectrices et lecteurs d'avoir lu le cent trente-et-deuxième acte de LA PAROLE AUX GAMEURS.

Si vous aussi vous voulez participer à la rubrique en répondant à l'interview ou si vous connaissez quelqu'un de passionné de Jeux Vidéo qu'il serait intéressant d'interviewer, si vous avez des idées de questions à poser à me poser pour l'interview de la semaine, n'hésitez pas à me contacter avec des commentaires sur l'article, par le formulaire de contact, sur Twitter ou Facebook.

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